Chers collègues soignants

Chers collègues soignants

Chères infirmières, préposés, inhalothérapeutes et médecins et tous les travailleurs de la santé.

C’est en tant que membre de la famille des professionnels de la santé que je vous écris pour vous expliquer ce que vivent beaucoup de pharmaciens en ce moment. Un peu comme un proche qui habite un peu plus loin, la distance physique qui sépare les pharmaciens du personnel hospitalier peut parfois conduire à des incompréhensions.

Tout d’abord sachez que nous sommes de tout coeur avec vous. Vos combats sont les nôtres.

La première ligne c’est aussi nous, en pharmacie. Blessures mineures, diabète mal contrôlé, réactions allergiques, anxiété, problèmes respiratoires et j’en passe… Le triage entre ce que nous pouvons prendre en charge et ce que nous référons et à qui nous référons est un travail exigeant. Nous voulons aussi en faire un maximum car nous savons qu’ainsi nous pouvons vous libérer du temps pour prendre en charge les cas les plus graves. Malheureusement malgré le fait que nous faisons un travail de première ligne auprès d’un grand nombre de patients, nous n’avons pas reçu les équipements nécessaires. L’INSPQ pour sa part nous annonce qu’à défaut d’avoir les équipements nécessaires non disponibles nous devrions probablement mettre en quarantaine des équipes entières en cas de cas positif… Des bris de service qui auraient des impacts majeurs sur nos patients en ces temps difficiles. Étants des entreprises privées on a parfois le pire des deux mondes. Peu d’aide et beaucoup d’attentes de personnes qui nous semblent parfois bien déconnectées de nos réalités.

Mon cauchemar à moi c’est que mes patients vulnérables puissent attraper la covid-19 dans ma pharmacie. Car le fait est que nos pharmacies sont particulièrement fréquentées par des personnes vulnérables… Et on s’entend que c’est difficile d’installer des plexiglas entre chaque patient…

La réalité c’est que des personnes en contact avec des patients atteints de covid-19 se présentent parfois en pharmacie malgré nos affichages d’opter pour la livraison. Pire encore, des patients atteints de covid-19 reçoivent des prescriptions papier en sortant d’hôpitaux et se présentent donc en pharmacie! Vous comprendrez que la prescription papier est le plus grand facteur de risque pour qu’un patient covid-19 viennent contaminer nos patients vulnérables et nos équipes…

Je me demande parfois si une équipe traitante en milieu hospitalier enverrait ce même patient dans un autre département sans les aviser, sachant que les soignants n’ont pas l’équipement nécessaire… Une prescription papier est une référence pour un autre professionnel de la santé: le pharmacien.

Si nous voulons qu’il y ait continuité des soins de première ligne en pharmacie nous allons avoir besoin de votre aide pour éviter l’envoi de patients infectés en pharmacie et opter pour la livraison pour les personnes en contact avec des patients covid-19. Cela peut inclure les proches mais aussi des soignants.

Pour certains pharmaciens, les professionnels de la santé qui travaillent auprès de patients covid-19 devraient tous opter pour la livraison. Pour d’autres pharmaciens ceux qui portent l’équipement nécessaires et qui passent en pharmacie après s’être changés seraient admissibles.

De la même façon certains médecins et infirmières vont juger qu’il est préférable de s’isoler de leurs familles malgré les précautions reliées à l’équipement alors que d’autres penseront que l’équipement est suffisant pour leur permettre de vivre normalement avec leurs proches. Une évaluation du niveau de risque qui va varier d’une personne à l’autre pour un virus que nous connaissons sommes toutes encore trop peu… Certains, comme moi, feront même le choix de fonctionner à porte fermée pour maximiser la protection de leurs patients vulnérables.

Sachez simplement que les mesures choisies par les pharmaciens propriétaires sont toujours prises par rapport à l’évaluation du niveau de risque pour nos patients et jamais pour nuire à des soignants. Soyez certains que nous sommes totalement avec vous et que notre but est uniquement de protéger nos patients en ces temps difficiles.

Sarah Fizazi
Pharmacienne propriétaire, administratrice de la Fédération des pharmaciens du Québec