Covid-19, porter ou pas porter de masque?

« Toute vérité franchit trois étapes. D’abord, elle est ridiculisée. Ensuite, elle subit une forte opposition. Puis, elle est considérée comme ayant toujours été une évidence. » – Arthur Schopenhauer

Étape 1: Le port de masques est ridiculisé

Eunice est originaire de Hong Kong. Elle y a non seulement vécu l’épidémie du SRAS en 2003, mais elle y a également appris que le port du masque était plus qu’une simple précaution. Eunice déclare que: « lorsqu’on porte un masque, c’est un symbole de solidarité envers les autres ». Elle souligne que c’est une façon de dire: «je comprends que la situation est grave, mais voici une chose que je vais faire pour me protéger et pour vous protéger »

À New York, où elle réside actuellement, les gens autour d’elle ne partageait pas cette attitude. Eunice a affirmé qu’elle avait commencé à souffrir de plusieurs formes de xénophobie : certaines personnes se distancent ouvertement d’elle dans les transports en commun, alors que d’autres lui portent des commentaires racistes allant même jusqu’à une menace de mort.
« Chaque fois que quelque chose comme ça m’arrive, j’ai toujours cette pensée éphémère : ne devrais-je plus sortir avec un masque? », se demande Eunice. « Je ne devrais pas avoir à choisir entre ma sécurité que ma santé. », remarque-t-elle.

Cheryl Man est généralement la seule à porter un masque dans le métro de New York. Habituellement, elle récolte juste des regards étranges, d’autres désapprobateurs. Mais mardi matin, alors qu’elle se rendait à l’école à pied, un groupe d’adolescents s’est moqué d’elle en toussant dans sa direction.

«Je me sentais très humiliée et incomprise », explique Cheryl, une étudiante de 20 ans et assistante de recherche d’origine chinoise.

Cheryl ressent également la stigmatisation sur son lieu de travail, où elle garde son masque. Aucun de ses collègues ne porte de masque. Certains d’entre eux lui ont même demandé si elle était malade.

« Pourquoi pensent-ils que c’est à propos de moi? C’est un devoir civique », proclame-t-elle.  « Si je porte un masque et si je suis infectée, je pourrais couper la chaîne là où je suis. Cela pourrait sauver beaucoup de monde. » souligne-t-elle.

C’est aussi ce que disent les experts de la santé à Hong Kong, où Cheryl est née et a grandie. Le gouvernement de Hong Kong et les principaux experts de la santé locaux recommandent de porter des masques comme moyen d’empêcher la propagation du virus. C’est une directive à laquelle elle fait confiance, depuis que la nouvelle pneumonie virale de la COVID-19 a été nommée et identifiée à Wuhan, presque tout le monde dans les rues, les trains et les bus de Hong Kong porte un masque.

Étape 2 : Le port de masque subit une forte opposition

Le port de masque est devenu la norme dans de nombreux endroits en Asie. En effet, la Corée du Sud, Singapour et le Japon ont distribué des masques à leurs résidents.

Par contre, aux États-Unis et au Canada, le port d’un masque pour une personne ne présentant pas de symptômes est découragé à un point tel de devenir socialement inacceptable. Les gouvernements américains et canadiens, conformément aux recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), décrètent que seuls ceux qui sont malades, de même que leurs soignants, devraient porter des masques.

Un tweet récent du chirurgien général des États-Unis, le docteur Jerome Adams, résume son argument:
«Sérieusement les gens – ARRÊTEZ D’ACHETER DES MASQUES! Ils NE sont PAS efficaces pour empêcher le grand public d’attraper #Coronavirus, mais si les professionnels de la santé ne peuvent pas les amener pour soigner des patients malades, cela les met, ainsi que nos communautés, en danger! »

Au Québec également, le docteur Horacio Arruda demande aux Québécois de ne pas utiliser des masques pour prévenir la contagion par la COVID-19.
« On me demande souvent si les gens doivent porter un masque toute la journée. La réponse, c’est que le masque n’est pas un moyen de prévention des infections dans la communauté. Il est réservé aux épisodes de soins. Si vous voulez vous protéger, ce n’est pas le masque qui est important. Lavez-vous plutôt les mains! », déclare-t-il dans une vidéo publiée sur YouTube.

Mais qu’en dit la science?

Une revue systématique de 2008, publiée dans British Medical Journal (BMJ), a révélé que les masques stoppaient la propagation des virus respiratoires des patients probablement infectés. En particulier, des études sur l’épidémie de SRAS de 2003, ont révélé que les masques étaient à eux seuls efficaces à 68% pour prévenir le virus. En comparaison, se laver les mains plus de 10 fois par jour était efficace à 55%. Une combinaison de mesures – lavage des mains, masques, gants et blouses – était quant à elle efficace à 91%.

Une autre revue du BMJ en 2015, a examiné l’utilisation de masques chez les personnes en milieu communautaire. Certaines études ont produit des résultats peu clairs. Mais, globalement, les résultats ont indiqué que le port d’un masque protégeait les personnes contre les infections, cette protection augmente lorsqu’il était associé au lavage des mains. Par contre, un gros problème était l’adhésion. Sans grande surprise, l’inobservance quant au port du masque rendait cette mesure moins efficace.
Par ailleurs, il faut relever que si les masques étaient utilisés tôt et régulièrement, les auteurs ont conclu qu’ils semblaient fonctionner.

Comme l’a révélé une étude de 2015 dans le BMJ, les masques en tissu, souvent fabriqués à la maison de façon artisanale avec un bandana ou un vieux T-shirt, sont beaucoup moins efficaces que les alternatives plus modernes. De plus, le port de masques en tissu peut être très risqué. En effet, ce type de masque peut piéger et retenir les gouttelettes contenant du virus que les porteurs peuvent ensuite respirer. Cependant, en général, plusieurs études ont conclu que porter ce type de masque offre davantage de protection que de ne pas en porter du tout.

Il existe également plusieurs preuves solides que la COVID-19 peut être transmise par des personnes qui sont légèrement malades ou même pré-symptomatiques. Cela signifie que la COVID-19 sera beaucoup plus difficile à contenir que le syndrome respiratoire du Moyen-Orient ou encore le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS). En effet, ces deux virus se propagent beaucoup moins efficacement que la COVID-19 parce qu’elle se propagent uniquement par des personnes symptomatiques. 

La docteure Sandra Ciesek, directrice de l’Institut de virologie médicale de Francfort en Allemagne, a testé 24 passagers qui venaient de rentrer d’Israël. Sept des 24 passagers ont été testés positifs pour le coronavirus. De ces sept passagers testés positifs au coronavirus, quatre d’entre eux étaient asymptomatiques. Toutefois, la docteure Ciesek a été surprise de constater que la charge virale de l’échantillon des quatre patients asymptomatiques était supérieure à celle de l’échantillons des trois patients symptomatiques.

Une autre étude publiée par des chercheurs belges et néerlandais montre qu’entre 48% et 66%, des 91 personnes de l’éclosion de Singapour ont contracté l’infection par quelqu’un qui était pré-symptomatique. Sur les 135 personnes de l’éclosion de Tianjin, entre 62% et 77% ont attrapé l’infection de quelqu’un était pré-symptomatique. 

Des chercheurs canadiens, néerlandais et singapouriens ont examiné les mêmes éclosions à Tianjin et à Singapour. Ils ont constaté que l’infection était en moyenne transmise en 2,55 jours avant le début des symptômes à Tianjin et 2,89 jours avant le début des symptômes à Singapour.

Selon Robert Redfield, directeur des Centers for Disease Control and Prevention (CDC), 25% des personnes infectées par le nouveau coronavirus ne présentent aucun symptôme et ne tombent malades. Par contre, ces mêmes personnes peuvent toujours transmettre la maladie à d’autres.

D’autres recherches ont confirmé ces résultats. Une étude du CDC réalisée chez des patients atteints du coronavirus dans une maison de soins infirmiers dans le comté de King, dans l’État de Washington, a révélé que sur 23 personnes testées positives, seulement 10 présentaient des symptômes le jour de leur diagnostic.

Le CDC a également évalué des patients atteints du coronavirus sur le bateau de croisière Diamond Princess, qui a été mis en quarantaine au Japon en février. Sur les 3 711 personnes à bord, 712 ont été testées positives. De ces 712 personnes qui ont été testées positives, 331 (46.5%) d’entre elles n’avaient aucun symptôme au moment du test.

Étape 3 : Le port de masques – une évidence?

Ces derniers jours, le CDC américain et l’OMS ont fait volte-face en recommandant le port de masque ou de couvre visage en tissus à tous, réservant ainsi l’usage de masques chirurgicaux aux professionnels de la santé.  

L’OMS affirme qu’elle soutient les initiatives gouvernementales qui exigent ou encouragent, le public à porter des masques, marquant un changement majeur par rapport aux conseils antérieurs dans le cadre de la pandémie de Covid-19.

La prévalence de la transmission pré-symptomatique est probablement la principale raison de ce revirement.

Le chirurgien général des Étas-Unis Jerome Adams, qui disait pourtant plus tôt aux citoyens d’arrêter de porter des masques parce qu’«ils ne sont pas efficaces », vient de créer un vidéo sur YouTube où il montre aux américains comment façonner leurs propres masques à partir d’un T-Shirt ou d’un foulard.

Au Québec, on tarde encore à recommander cette mesure. Lorsque questionné à ce sujet, le docteur Arruda a déclaré :
« Si quelqu’un veut se faire des masques en tissus, je n’ai pas de problème. Et je pense que ça peut être fait, mais il ne faut pas qu’il utilise le masque en pensant que c’est juste le masque qui va régler son problème ». 

L’OMS déclare que cette récente mise à jour sur la recommandation du port du masque est faite car la recherche scientifique pointe l’effet positif de cette mesure dans le cadre de la prévention de la propagation du coronavirus. De plus, il est à noter que davantage de gouvernements européens exigent que les gens se couvrent le nez et la bouche en public.

Dans la réalité, comme on le voit ci-haut, la science a démontré depuis plusieurs années que les masques, ou le simple fait de se couvrir le visage en public, sont des méthodes efficaces pour stopper la propagation des virus respiratoires tel le H1N1, le SRAS et la COVID-19.

Au début de la pandémie, les gouvernements occidentaux, ayant peur d’aggraver la pénurie d’équipements de protection, ont préféré affirmer que le port du masque, ou se couvrir le visage en public, étaient des mesures inutiles, plutôt que de dire la simple vérité qui a inévitablement vu le jour : Les masques sont efficaces, mais il n’y en a pas assez pour tout le monde.

 Alors couvrez vous le visage avant de sortir! 
 

Mise à jour 2020-04-06: 

Agence de la santé publique du Canada suggère maintenant à tous de porter un masque, mais seulement en tant que « mesure additionnelle » lorsque les autres mesures de distanciation sociale sont difficiles à appliquer.
Ce masque doit être non médical, afin de réserver les masques médicaux au personnel dans les institutions de soins de santé. Ce masque n’est pas pour protéger celui qui le porte, mais bien les autres.

Un grand merci à Simon Boutros et Daniela Nguyen de m’avoir aidé à corriger ce texte! 
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